Les Phônodidgs (dans leur version archaïque... et n’ayant bien sûr pas encore ce nom), sont nés il y a une petite trentaine d’années.
À cette époque, avec Jean-Claude Charlier, l’ami musicien en compagnie duquel j’avais déjà commencé à créer tout un ensemble d’instruments un peu particuliers qui allaient donner naissance à notre groupe : Les Phônes (d’où : Phônodidgs), nous étions, en tant qu’inconditionnels acharnés de la musique ethnique, constamment en train de fouiller dans les bacs de notre médiathèque locale pour y dénicher toutes sortes de perles musicales. Des pygmées de Centrafrique ou du désert du Kalahari en passant par les communautés tribales d’Éthiopie, du Gabon, du Burundi et de toute l’Afrique, de la Nouvelle-Guinée à l’Amérique (du Nord et du Sud), de l’Orient bouddhiste, confucianiste ou shintoïste à l’Orient musulman, des îles du Pacifique à l’île/continent de l’Australie, etc. (sans oublier les vieux blues des origines et le gospel… autres musiques ethniques pour nous !), ces perles de richesse culturelle nous semblaient surgir, non seulement d’un au-delà de l’espace, mais surtout, d’un au-delà du temps. (Il y avait aussi les musiques ethniques/anciennes de nos régions et de notre Tradition : celles du bassin méditerranéen, Grecques, Sardes etc., des montagnes Suisses : Cor des Alpes ; le Silbo Canarien... et celles, entre autres, du Moyen Âge... ce qui nous ramène à notre voyage dans le temps !).
C’est ainsi qu’au détour d’un vinyle nous découvrîmes un jour ce mystérieux tube aux résonnances telluriques et aériennes qui, sans s’interrompre (comme le Launeddas Sarde que nous avions déjà croisé sur notre route exploratoire) soutenait les chants de la tradition aborigène.
Ce n’était encore l’époque ni des CDs, ni de l’Internet, et, n’ayant quasi aucune information, nous nous demandions, un rien fascinés, ce qu’il pouvait bien "y avoir à l’intérieur" de ces trompes pour qu’il en sorte de tels sons !
Lorsque un jour, sur un vinyle accompagné d’un livret un peu plus détaillé, nous avons appris que ce n’était qu’un tube : une branche d’eucalyptus creusée par les termites, j’ai aussitôt été m’acheter un équivalent moderne à ma disposition (quelques tubes en PVC, évidemment) pour essayer l’engin. Pas question d’en trouver un en Europe dans le commerce à cette époque !
Bien sûr, obtenir le son, puis la respiration circulaire sans aucune aide ni conseils extérieurs ne se fit pas sans peine, mais, petit à petit, la chose prit corps et le son vint avec le souffle.
Ce premier didg était évidemment bien loin de nos modèles actuels. Le tout premier, dans l’urgence de souffler dedans, n’était même qu’un simple tube d’un mètre de long en diamètre 40 mm... ce qui rappellera probablement des souvenirs à beaucoup d’entre vous. Mais très vite, nos habitudes de lutherie bricolée nous y incitant vivement, lui fut adjoint un tube de 50 pour pouvoir changer de notes (pas en jouant : respect de la tradition d’origine oblige ! On était déjà comme ça !).
Le premier joint d’étanchéité entre les deux tubes était alors en cuir. Et même si j’avais pris une qualité théoriquement étanche, il gonflait quand même très vite avec l’humidité, rendant la coulisse de plus en plus difficile. Mais pour mon usage personnel, je m’en suis contenté un moment...
Puis, je lui ai ajouté un troisième tube... sans d’ailleurs me rendre compte immédiatement des possibilités de configuration que les nombreuses variantes d’extensions de ces différents diamètres offraient. Ça, je ne l’ai constaté que lorsque mon jeu eut un peu progressé !
Ce n’est que bien des années plus tard, lorsque les joueurs qui apparaissaient petit à petit autour de moi commencèrent à s’intéresser à mes engins, que, ne pouvant décemment pas leur proposer contre rétribution des modèles aussi "bricolés", je mis en route de "longues" recherches (réellement : ça ne se fit pas sans de nombreux essais/erreurs !) pour, après des années d’améliorations successives, arriver finalement à ces modèles que je vous propose aujourd’hui. Des modèles qui, jusqu’à ce présent site, n’avaient alors parcouru leur modeste chemin que tout seuls comme des grands : uniquement par le "bouche(s)" à "oreille(s)" (expression des plus idoines dans ce cas !).
Ce fut ainsi qu’après la Belgique où je réside, ils ont assez rapidement atteint la France (où se trouve une grande communauté de joueurs, dont beaucoup de très bons !), la Hollande, la Suisse, l’Espagne... et, récemment, la Chine ! (Sans compter deux modèles qui se trouvent... en Australie... dont l’un que j’ai eu le grand plaisir et l’honneur d’offrir à Mark Atkins lors de l’un de ses concerts dans ma région.)
Et voilà qu’aujourd’hui, grâce à la persévérance (et à la demi-folie !) de mon ami Jérôme, vous disposez de ce site... MAIS SURTOUT DE L’OUTIL DE CONFIGURATION QUI LUI EST JOINT. Un outil qui vous permettra d’enfin pouvoir explorer facilement et de manière quasi exhaustive les possibilités presque illimitées de ces modèles... surtout si vous tapez dans la gamme des Quadruples (les Quads, comme on les appelle familièrement), des quintuples (Quints), des sextuples (Sixtes), ou du septuple (le Septime) qui est, je le reconnais, un peu monstrueux !
J’espère juste que cet outil très rationnel et presque trop précis (on se rejoint avec Jérome là-dessus) ne vous empêchera pas, pour le plaisir des découvertes faites par vous-même, de continuer à explorer votre didg à l’intuition : "à la main"... et à l’oreille ! peut-être, sûrement même, découvrirez-vous des possibilités plus personnelles que la trop pragmatique machine n’avait pas cru bon de retenir ! Au bénéfice de tous, nous nous ferons alors un plaisir de les recevoir et de les archiver sur le forum de Wakademy .
Quoi qu’il en soit, comme je le disais déjà depuis longtemps sur ma vielle notice papier : BON JEU ! C’est là tout ce que nous vous souhaitons... Bien sincèrement...
Par où commencer... mathématiques, musique et informatique... des domaines à priori connexes mais éloignés... Des Phônodidgs, un didgeridoo, un instrument de musique, mais avec une structure qui m'apparaissait cartésienne derrière... hum... y'à un pont à construire...
J'ai commencé à jouer du didgeridoo début 2017, alors que j'étais dans le monde des mathématiques et des sciences appliquées depuis le début de mes études en 2004. Travaillant depuis quelques années au département d'informatique de l'Université libre de Bruxelles, dans un monde cartésien, de modélisation de problèmes abstraits, avec des applications souvent distantes, j'ai eu besoin de déconnecter de cet univers carré. Je n'ai plus aucune idée, même si c'était il n'y a que trois ans, de pourquoi j'ai un jour décidé de commander un didgeridoo en bambou sur internet. Depuis presque 10 ans, toute ma vie s'était deroulée dans le monde des sciences, mon corps m'a peut-être rappelé que je venais d'une famille d'artistes...
Réception du didgeridoo, premiers essais de souffle (avec les mêmes gros kwaks que tout le monde pour avoir son premier bourdon net !) et une fois le bourdon arrivé, c'était comme si une sensation nouvelle venait de traverser mon corps. Je savais que j'avais trouvé un nouvel univers que j'avais envie d'explorer.
Démarrant 20 ans après l'introduction du didgeridoo en Europe, j'ai rapidement pu commencer avec des vidéos disponibles sur internet et les cours organisés çà et là.
Puis, lors d’un festival de musique au cours de l'été 2017, j'ai croisé Franck et son stand Phônodidgs. L'aspect fonctionnel de ses didgeridoos m'a rapidement séduit ainsi que le personnage. Ayant acquis un didgeridoo en bois depuis mes débuts avec des survibrations assez aigües que je n'arrivais pas à jouer, le fait de pouvoir régler les notes du bourdon et des survibrations du didgeridoo m'a séduit pour pouvoir m'entrainer. Le son, sans vouloir faire de la pub ici, était aussi de super bonne qualité par rapport aux autres didgeridoos disponibles sur le festival, même dans d’autres gammes de prix.
Après quelques journées de cogitation, je décide de m'en procurer un et d'aller voir Franck à son atelier. Mon choix : le triple standard. Tout simplement parce qu'il n'y avait que pour ce modèle-là qu'il y avait un tableau disponible avec les différentes configurations accordées et je savais que ça devait être la galère pour établir ces tableaux. Il n'y avait que des modèles jusqu'aux Quads à cette époque et j'avais déjà pu prendre la tête à Franck en abordant le problème des configurations sous un aspect mathématique ! Un petit pont s'était déjà construit en l'espace de 3 ou 4 heures de discussions qui étaient parties dans toutes les directions.
Puis, courant 2018, Franck envoie la liste de ses nouveaux modèles... Quintuples, sextuples et septuple... Travaillant dans l'optimisation combinatoire et la recherche opérationnelle (pour ceux que cela intéresse, cf. Wikipédia, ce sera plus court !), mon cerveau explose directement ayant pleinement conscience, un, du nombre de configurations possibles, et surtout deux, du bordel, pardonnez l'expression, mais c'est le terme, que ça allait être pour arriver à trouver une configuration accordée aux notes voulues parmi toutes celles qui existent !
Je contacte presque immédiatement Franck pour lui demander s'il avait des tableaux pour ces nouveaux modèles. Justement non, me dit-il, parce qu'il y a beaucoup trop de configurations pour pouvoir faire un tableau plus ou moins exhaustif. Trouver les configurations qui existent... Trouver les meilleures configurations parmi celles disponibles... Trouver les meilleures combinaisons dans celles disponibles... Trouver les meilleures combinaisons dans l'espace de solution... C'est de l'optimisation combinatoire ça...
Ayant besoin de déconnecter de mon univers abstrait au travail et voyant une application directe du domaine des mathématiques dans lequel je travaillais, c'était impossible pour moi de ne pas vouloir essayer de creuser pour essayer de voir s'il n'y avait pas moyen de construire un pont ! D'autant plus que, sachant les possibilités que ces modèles offraient, j'aurais trouvé vraiment dommage qu'on ne puisse pas les exploiter au maximum de leur potentiel !
La réflexion sur le modèle a commencé au printemps 2018. Je tiens d'ailleurs au passage à remercier le site DidgMo et son créateur Hanspeter Portner qui a permis de poser les fondations du code utilisé dans nos algorithmes de calcul, ainsi que Franck Geipel de didgeridoo-physik.de pour les modèles acoustiques sur lesquels nous nous sommes basés. Avec ces sources comme base, nous avons rapidement pu mettre en place un programme rudimentaire qui permettait de prédire les notes pour une configuration de tuyaux donnée, comme il est possible de le faire sur le site de DidgMo. Partie difficile du problème : le résoudre dans l'autre sens, c'est-à-dire, pour un ensemble de notes données, trouver quelles longueurs donner aux tuyaux. Sachant que pour accorder les trois premières survibrations il faut parfois aller jusqu'au mm en terme de précision, il y a par exemple environ 167772160000 configurations parmi lesquelles on peut chercher pour les quintuples, 419430400000000 sur le septuple ! En plus, au-delà de vouloir trouver des configurations accordées, on peut vouloir trouver des configurations avec des survibrations faciles à jouer, ou qui favorisent certaines harmoniques. Tout ceci couplé au fait que chacun joue à des fréquences légèrement différentes, il fallait donc pouvoir s'adapter au jeu de chacun, au-delà des mesures théoriques. Impossible de commencer à juste tout énumérer et lancer le calcul pour résoudre le puzzle (j'ai fait le compte, il y en aurait pour environ 90 ans de calcul sur un ordinateur haut de gamme...).
Donc, on sort le bon vieux backtraking, les heuristiques d'élimination, les recherches locales et dichotomiques, les algorithmes tabous, les procédures de normalisation (oui, c'est ça faire des maths appliquées, on a du mal à communiquer sur pourquoi ça (devrait) marche(r)...) et paf ! On perd quelques cheveux, parce qu'il faut sortir ça de sa tête, tout implémenter et espérer que l'intuition n'a pas mentie !
Après quelques mois de longues soirées passées à programmer (donc, somme toute, je n'arrive pas au dixième du travail que Franck a fourni pour ses didgs !) et de nombreuses séances d'étalonnage et de tests réalisés avec Franck, on est parvenu à développer le programme de configuration et d'accordage proposé sur ce site. Cela me tenait également à coeur d'offrir de la visibilité à Phônodidgs vu les nombreuses questions que j'ai eues sur cet instrument que je prends toujours avec moi en festival et que l'on retrouve très souvent sur scène.
J'espère que ce projet vous permettra de mieux explorer votre didgeridoo et surtout qu'il contribuera à développer votre style de jeu ! Mais in fine, restez présents à vous-même : ce programme est là pour vous accompagner et non vous guider !